1. Introduction

Comment les organismes des arts de la scène, qu’ils se spécialisent dans la création ou la diffusion, mobilisent-ils le numérique dans leurs actions de médiation culturelle (MC) destinées aux publics scolaires? Le présent texte vise à décrire comment ces organismes au Québec tentent de susciter la fréquentation de spectacles, la connaissance et l’appréciation de disciplines artistiques, voire d’encourager l’expression artistique. Nous tentons ainsi de dessiner les contours de cette offre culturelle susceptible de représenter un intérêt aux yeux d’enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire, et développée notamment à la faveur de différents incitatifs à intégrer la culture à l’école.

Dans cet article, nous évoquons le contexte et les questions de recherche, et présentons le cadre conceptuel et la méthodologie d’une enquête menée auprès de répondants d’un grand nombre d’organismes québécois. Nous exposons quelques résultats, en ciblant différents aspects qui nous apparaissent significatifs. Nous discutons enfin de ces résultats, en dessinant quelques perspectives de recherche.

2. Contexte et questions de recherche

Cette étude s’inscrit dans une large recherche partenariale mise en place par Guay, Sempéré, Larouche, Leroux, Lapointe, et Beaulieu (CRILCQ 2017) visant à dresser un état des lieux de la médiation numérique dans les arts de la scène depuis 2000. Cette recherche repose sur un partenariat établi avec trois associations professionnelles, à savoir En piste – Regroupement national des arts du cirque (EP), le Regroupement québécois de la danse (RQD) et le Conseil québécois du théâtre (CQT), réunis au sein du Laboratoire de recherche sur les publics de la culture de l’UQTR et du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoise.

Cette recherche se développe dans un contexte culturel et éducatif marqué par diverses politiques ministérielles et initiatives de financement susceptibles de contribuer au développement des pratiques ci-haut mentionnées. Mentionnons au premier chef le Plan culturel numérique du Québec, mis en place en 2014, dont l’un des objectifs consiste à aider les milieux culturels à investir dans le numérique et à profiter des avantages qu’il offre (MCC 2014) et aussi le Conseil des arts du Canada (CAC), invitant les organismes culturels à se doter d’une stratégie numérique (CAC 2021). Signalons aussi dans le milieu de l’éducation les injonctions ministérielles enjoignant l’enseignant à jouer pleinement son rôle de “passeur culturel”, comme “héritier, critique et interprète d’objets de savoir et de culture” (MEQ 2001, 36). Cette injonction se concrétise notamment dans l’énoncé L’intégration de la dimension culturelle à l’école (MEQ et MCCQ 2003) et la mise en place du programme La culture à l’école, incitant le milieu scolaire à se saisir des offres culturelles (MEES 2021a). Pour la mise en œuvre de ce programme, un Répertoire culture-éducation (MCC 2021) signale des ressources d’intérêt, qu’il s’agisse de lieux à visiter ou d’artistes et écrivains à inviter en classe pour des ateliers ou des résidences de création de durée variable, pouvant s’étaler jusqu’à douze (12) semaines. Des ressources financières sont aussi accordées aux écoles pour favoriser l’utilisation de ces ressources. Le programme Une école montréalaise pour tous (Une école montréalaise pour tous 2021) destiné aux écoles les plus défavorisées de l’île représente également un autre terrain d’action pour les arts de la scène.

Alors que le numérique peut représenter un moyen de choix pour faire connaître une offre culturelle et favoriser une meilleure appropriation par le public scolaire d’œuvres ou encore, une meilleure connaissance et une appréciation d’une discipline artistique, nous connaissons peu de choses sur la façon dont des organismes des arts de la scène en tirent profit pour rejoindre et engager une relation avec le milieu scolaire. De fait, la dimension numérique des actions de MC a suscité peu d’intérêt de la part des chercheurs à l’échelle québécoise ou internationale, qui ont étudié la MC en regard des secteurs du cirque (Leroux et Batson 2016), de la danse (Germain-Thomas et Pagès 2014) et du théâtre (Denizot 2008; Bizouarn, Pailler et Urbain 2016; Passot 2016; Bellavoine et Wiart 2016). Incidemment, le rapport sur l’usage du numérique par des professionnels de la danse au Québec ne signale pas l’existence de dispositifs de médiation numérique éventuellement mis en place pour les publics scolaires (Seraiocco 2018). Enfin, la seule étude récente réalisée au Québec sur les sorties scolaires au théâtre n’évoque pas le potentiel du numérique pour favoriser la fréquentation ou l’appréciation de spectacles (Nadeau 2019).

Aussi la question centrale de notre étude consiste-elle en celle-ci: comment les organismes de création ou de diffusion dans les arts de la scène recourent-ils au numérique dans leurs actions de MC destinées aux publics scolaires? Et le cas échéant, comment peut-on décrire les dispositifs numériques mis en place?

3. Éléments d’un cadre conceptuel

Une telle recherche implique la prise en compte des finalités éducatives des organismes des arts de la scène (voir l’article de Guay et al. dans ce numéro) en étroite relation avec le rapport à la culture en milieu scolaire. Les concepts de démocratisation culturelle et de démocratie culturelle peuvent conduire à définir ces postures qui influencent sans aucun doute la MC et le recours au numérique. À l’instar de Santerre (1999), rappelons que la démocratisation culturelle a pour but de favoriser l’accès par le plus grand nombre aux produits culturels subventionnés, alors que la démocratie culturelle implique plutôt le développement des pratiques amateures, dans la perspective de privilégier l’intérêt communautaire d’un projet plutôt que l’excellence artistique. Incidemment, Côté, Simard, et Larouche (2017) signalent que des actions d’organismes artistiques en faveur de la démocratie culturelle s’investissent de plus en plus dans le milieu scolaire québécois depuis une vingtaine d’années. Ces actions sont menées à la faveur d’une conception descriptive de la culture de plus en plus en vogue, favorisant l’expression artistique et culturelle des jeunes citoyens. Elles co-existent avec des actions faisant place à l’appréciation des œuvres, découlant d’une conception normative de la culture.

Que la MC s’inscrive dans des préoccupations liées à démocratisation culturelle ou à la démocratie culturelle, nous nous y intéressons dans une perspective pratique (voir les travaux de Casemajor, Lamoureux et Racine 2016) plutôt que théorique (Caune 2006; Bordeaux 2016). Par médiation culturelle, nous entendons donc, à la suite d’Aboudrar et Mairesse (2016), toute action menée par un professionnel ou un créateur pour susciter un dialogue autour d’une proposition artistique ou culturelle, qu’elle s’adresse à un individu ou à un groupe. L’action vise soit à développer la relation avec un spectacle, avec un art de la scène, avec un organisme culturel (ou un partenaire de celui-ci) ou des compétences tierces. Cette définition repose donc sur une vision de la médiation culturelle en tant qu’activité de liaison avec les publics réalisée à l’aide du numérique, à l’exclusion des œuvres, même si une activité peut être étroitement associée à un spectacle en particulier.

De plus, à la suite de Larouche et al. (2019), nous entendons par dispositifs numériques, “l’ensemble des moyens numériques en appui à la médiation culturelle” (Larouche et al. 2019). Ces dispositifs reposent sur les “capacités d’encodage informatique s’appuyant sur des réseaux, des équipements et des applications logicielles selon différentes configurations (sites Internet, applications mobiles, médias sociaux, etc.) et différentes modalités médiatiques (vidéo, image, texte, audio, etc.)” (id.). Enfin, on notera que ces dispositifs sont “déployés dans différents lieux physiques ou virtuels et selon différentes temporalités (avant, pendant ou après la représentation)” (id.). La définition que nous avons adoptée s’inspire notamment de travaux sur la littératie médiatique multimodale (Lacelle, Boutin et Lebrun 2017), s’intéressant à la combinaison des différentes modalités dans la production et la fabrication du sens.

4. Méthodologie

L’analyse que nous présentons dans cet article découle de données collectées dans la vaste enquête descriptive et exploratoire de Guay et al. (2017) visant à dresser un état des lieux de la médiation numérique dans les arts de la scène depuis 2000. Réalisée auprès d’organismes actifs dans les arts de la scène, cette enquête s’est déroulée en deux temps avant la pandémie de Covid-19: d’abord, de façon quantitative, en visant de plus de quatre cents organismes québécois (Lapointe et al. 2020), puis, de manière qualitative, auprès d’une quarantaine de professionnels d’organismes ciblés.

Participants à l’enquête qualitative

L’enquête qualitative a été conduite auprès des représentants d’une quarantaine d’organismes, selon trois sous-groupes: un premier qui ne pratique pas de MC, un deuxième qui initie des actions de MC sans recourir au numérique et, enfin, un troisième sous-groupe qui recourt au numérique dans les actions de MC. Pour les fins de cet article, nous avons retenu les données recueillies auprès des représentants de ces organismes, sélectionnés selon les disciplines artistiques et leur ancrage géographique, à Montréal ou ailleurs dans la province, recourant au numérique et indiquant proposer des activités au milieu scolaire. Au total, il s’agit de dix-huit (18) organismes, sur les vingt-deux (22) ayant déclaré recourir au numérique dans la MC.

Instrument de recherche

Nous avons mené des entretiens semi-dirigés au moyen d’un guide élaboré dans la perspective de connaitre les pratiques, les savoirs et les savoir-faire de ces organismes à vocation culturelle et artistique. Ce guide comportait des questions génériques aux trois sous-groupes, i.e. des questions ouvertes de façon à laisser émerger les préoccupations des répondants et les inciter à décrire leur réalité au regard des besoins du projet de recherche. Il était complété de questions relatives à la médiation numérique, aux technologies, aux supports et/ou aux dispositifs privilégiés, aux contenus diffusés (texte, vidéos, images, sons), à la mixité de certaines actions de médiation, mêlant du présentiel et du virtuel, aux effets perçus sur les publics visés et, enfin, aux actions jugées les plus réussies.

Déroulement et traitement des données

L’administration du guide d’entretien s’est déroulée de novembre 2019 à janvier 2020, principalement dans le milieu de travail des participants. Un premier contact était établi entre l’organisme et l’assistant de recherche à partir d’un courriel type qui indiquait les modalités de participation, les délais pour réaliser la rencontre et comprenait une lettre d’information sur les objectifs du projet ainsi qu’un un court questionnaire sur les données d’identification à retourner. Par la suite, un suivi téléphonique permettait de fixer un moment propice à l’entrevue dans un lieu choisi par le participant et à une date qui convenait aux deux parties. Toutes les entrevues ont été enregistrées et transcrites, et soumises à une analyse qualitative de contenu. À postériori, à la suite du traitement des données, il est apparu qu’un autre verbatim émanant du secteur de la danse (38) contenait des indications relatives à la médiation numérique, portant à dix-neuf (19) le nombre de participants.

Profil des participants

Nos participants interviennent au sein de sept (7) organismes de création, huit (8) organismes de diffusion, deux (2) organismes qui font à la fois de la création et de la diffusion, et deux (2) organismes dédiés à l’enseignement. Huit (8) organismes œuvrent en théâtre, cinq (5) en danse, deux (2) en cirque, et quatre (4) en multi (voir le Tableau 1). On note également la présence d’un webdiffuseur. Évoluant principalement dans des équipes relativement petites (moins de cinq employés), plusieurs répondants cumulent des tâches variées, reliées à la direction de l’organisme, à la direction et ou à la création artistique, aux opérations logistiques, aux communications, dont le web, ou au marketing. Certains répondants semblent avoir la responsabilité principale de projets de médiation qui pourraient concerner le milieu scolaire. À la lumière de ces informations, se constate le caractère hétérogène de notre groupe de répondants.

Tableau 1

Aperçu et numéro des répondants des dix-neuf (19) organismes des arts de la scène rejoints par l’enquête qualitative ayant déclaré un usage du numérique dans la médiation culturelle proposée au milieu scolaire.

Disciplines Création Création et diffusion Diffusion Établissement ou réseau d’enseignement
Théâtre 5
(V11-T, V12-T, V13-T, V26-T, V27-T)
2
(V7-T,
V8-T)
1
(V9-T)
-
Danse 1
(V23-D)
- 3
(V3-D,
V4-D,
V6-D)
1
(V38-D)
Cirque - - 1
(V1-C)
1 (V2-C)
Multi 1
(V16-M)
3, dont un webdiffuseur
(V15-M,
V18-M,
V29-M, webdiffuseur)

5. Résultats

Afin de décrire les actions de MC des organismes et leur recours au numérique, nous indiquons ce qu’ils entendent par médiation culturelle numérique, et évoquons à grands traits les visées poursuivies et les enjeux rencontrés dans la réalisation de leurs actions. Ce faisant, une démarcation s’opère relativement à l’interaction en présence, à l’école ou sur le lieu du spectacle, ou alors à distance, entre l’organisme et le public scolaire, autour d’une proposition ou d’une pratique artistique.

Médiation culturelle numérique ou médiation culturelle au moyen du numérique?

Devrait-on parler de médiation culturelle numérique ou de médiation culturelle qui utilise le numérique? L’expression même de médiation culturelle numérique (MCN) fait l’objet d’un questionnement.

[L]a médiation culturelle numérique est encore méconnue. Par là, je pense qu’il y a bien des gens qui doivent en faire sans s’en rendre compte nécessairement. Parce que ça demeure quand même, pas flou, mais large. (V18-M, 2)

Une interrogation se fait entendre: utiliser les médias sociaux pour faire connaître un spectacle, est-ce faire de la médiation culturelle numérique?

Si le numérique leur sert d’appui, plusieurs participants avancent l’argument que le numérique ne peut remplacer l’humain et que la médiation culturelle numérique n’est pas de la médiation en soi.

Je considère qu’à partir du moment où on utilise le tableau numérique dans les classes, on utilise du numérique. Est-ce que c’’est de la médiation culturelle numérique? Peut-être pas. C’est de la médiation culturelle qui utilise le numérique. (V9-T, l. 413–420)

De la façon que je vois la médiation culturelle numérique, c’est l’intégration du numérique dans des activités de médiation. Ça peut être en présentiel, ça peut être hybride, mais ça peut être également, par exemple dans une école, c’est du contenu projeté sur TBI que le professeur peut donner dans le temps choisi par l’enseignant. Ça peut être des capsules vidéo, ça peut être de l’interactif aussi sur le numérique. Ça peut être quand même assez simple. On a l’impression des fois qu’il faut que ce soit super élaboré, mais pour moi, c’est ça de la médiation numérique. (V18-M, 7)

Suivant ces propos, la médiation culturelle numérique est une MC faisant usage du numérique. Pour qu’une MC soit elle-même numérique, elle devrait emprunter des modalités proprement numériques pour établir la relation avec un humain. La médiation numérique doit être en lien avec quelque chose de vivant.

Si ce n’est pas en lien, j’ai bien de la difficulté à l’envisager. Ça reste un appui, ça reste un outil, mais pour le moment, c’est aucunement une fin en soi. (V27-T, l. 652–653)

Dans cette perspective, plusieurs participants accordent une grande importance à la relation qui peut s’établir entre l’artiste et des membres de la communauté à qui la médiation est destinée.

[…] la relation qui se développe entre l’artiste et la communauté […] est un grand grand grand grand défi. (V16-M, 6)

La représentante d’un diffuseur jeunesse expose sa vision de ce que pourrait être une MC numérique.

Il faudrait qu’il y en ait un humain au bout du canal et que le canal soit numérique. […] Par exemple, quelque chose en téléprésence. Quelque chose où l’artiste est ici au théâtre et les élèves dans leur classe et ils peuvent parler et ils se voient. Et l’artiste dit “voici le décor, on est en train de l’installer, est-ce que vous avez des questions?” ce serait super. Et il pourrait y avoir 25 classes qui seraient connectées en même temps si on a un système qui marche. Et à partir du moment où les classes sont équipées de wifi… (V9-T, p. 15–16)

Au fil des entretiens se dégage une tension entre interaction et diffusion de contenus numériques. Des participants opèrent une distinction très nette entre ce qui relève de l’interaction en présentiel entre individus, intrinsèque au processus même de la médiation, et ce qui relève de la diffusion Web, présentant, par exemple, le résultat final d’une action de médiation culturelle.

Le site, il est utilisé pour démontrer le résultat final. Ce n’est pas, pour moi, de la médiation. (V16-M, p. 11)

Au final, la relation, voire l’interaction, entre l’organisme de création ou le diffuseur et le public, autour d’une proposition ou d’une pratique artistique, parait centrale aux préoccupations de la plupart des professionnels interrogés.

Des visées se rattachant à la démocratisation culturelle ou à la démocratie culturelle

Différentes visées associées à la MC doivent être précisées afin de comprendre le recours au numérique. Un diffuseur de théâtre jeunesse dont la mission se rattache à la démocratisation culturelle décrit les trois buts poursuivis par la MC, associés à la préparation technique et logistique, intellectuelle et artistique du jeune public (V9-T).

Le premier, rassurer les gens. Ça veut dire leur dire à quelle heure ils vont prendre le bus. Nous, tout ce qu’on fait en médiation culturelle, c’est lié à aller voir un spectacle […]. On les rassure en premier, les détails techniques. Le deuxième objectif c’est le sentiment de compétence. C’est de dire moi je suis capable d’aller au théâtre, je suis capable de comprendre ou de ne pas comprendre, je suis capable de vivre des émotions. Je suis compétent, je connais les codes, les clés de ce spectacle-là, je sais à peu près vers où je m’en vais. Des fois on arrive juste au premier ou deuxième. Et idéalement on arrive au troisième, qui est, raviver la curiosité. Là, l’enfant est excité au plus haut point de vivre cette expérience-là, il a plein d’idées dans sa tête de ce que pourrait être ce spectacle-là. Il est en feu. Ça peut être aussi de faire un numéro de théâtre avec ses amis dans sa classe, ça peut aller vraiment loin. Mais on n’y arrive pas à tout le temps; si les premiers besoins ne sont pas comblés, on ne se rend pas nécessairement là. (V9-T, l. 80–91)

Selon ce diffuseur de théâtre jeunesse, la médiation culturelle, c’est en quelque sorte la main tendue, formule qui rappelle celle du passeur culturel de Zackartchouk (1999), reprise par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 2001), pour qualifier le rôle de l’enseignant.

Tu peux nager à travers une rivière de piranhas et arriver au spectacle, mais on peut aussi te faire un pont en or et te tendre la main et t’aider à traverser et même te ramener après, et il y a un sofa de l’autre bord. L’idée, c’est de bonifier le chemin pour y arriver. (V9-T, 4)

Chez un diffuseur en cirque se note le souci de mieux faire connaître la discipline artistique concernée. Cette préoccupation semble se rapporter à tous les publics.

Essayer de faire comprendre aux gens c’est quoi le cirque, d’où ça vient. […] Nommer les agrès de cirque parce que les gens ne connaissent pas les noms. […] C’est de la performance et c’est de l’entraînement. Ce n’est pas de la danse non plus, mais on peut par contre mélanger le théâtre, la danse, la musique et le cirque. Un mélange des genres. Essayer de définir le cirque, c’est quoi l’essence du cirque, en allant visiter des artistes, en parlant avec des metteurs en scène. (V13-T, l. 216–223)

Un organisme créateur en théâtre expose une vision de la médiation se rattachant à l’inclusion sociale.

[Pour] nous, la médiation, c’est d’inclure un citoyen qui n’a pas accès à la culture, normalement. […] Pour moi, la médiation culturelle, ça veut dire que tu inclus dans ton processus une communauté qui n’est pas habituée à être en contact avec la culture. La culture, pour moi, c’est un bien commun. (V16-M, 10)

Quant à lui, le webdiffuseur interrogé se pose en “diffuseur de médiation culturelle” (V29-M, l. 12–13), soucieux, par l’atteinte des audiences, de la démocratisation culturelle et de l’éducation du public.

Toucher le plus de monde possible, le plus de gens possible. Faire en sorte que la culture devienne essentielle. Ça, c’est vraiment personnel. Ce n’est pas institutionnel, quoique Télé-Québec, c’est quand même ça. Oui, les objectifs: éduquer. À travers la médiation culturelle, ce qui est le plus intéressant, je trouve, c’est la rencontre, la rencontre de l’autre. Donc, les histoires humaines à travers ça, apprendre de l’expérience de l’autre, parce qu’il y a beaucoup de transmission dans la médiation culturelle. Et ça, je trouve ça magnifique, et c’est souvent une belle façon de connaître une forme d’art. La rendre plus accessible et de comprendre que “OK, finalement, je peux aimer ça, le théâtre. Ce n’est pas si aride, pas si intellectuel”. (V29-M, 8–9)

Proposant aussi de définir son action comme de la “médiation culturelle web”, ce webdiffuseur lui associe la visée ultime du développement des capacités expressives du public, que l’on pourrait rattacher à la démocratie culturelle.

La finalité d’une médiation culturelle web devrait être dans le concret. On a appris quelque chose, il y a un pont qui a été créé grâce à la médiation culturelle web, mais après il faut l’appliquer dans le réel. C’est ce qui serait souhaité de se servir cet apprentissage dans le réel. (V29-M, 11)

Pour la démocratisation culturelle: diffusion et interaction avec les publics

De fait, les catégories de démocratisation culturelle et de démocratie culturelle permettent de distinguer deux grands cas de figure pour décrire plus précisément comment des organismes en arts de la scène recourent au numérique dans les actions de MC. Ainsi, dans une perspective de démocratisation culturelle, on retrouve surtout les actions de diffuseurs orchestrées à distance des publics au moyen du numérique, impliquant principalement la diffusion de vidéos et de guides pédagogiques destinés aux enseignants, tel que le révélait l’enquête quantitative (Lapointe et al. 2020). Certaines vidéos donnent un avant-goût du spectacle, certaines avec le concours du metteur en scène, alors que d’autres portent sur la discipline artistique. Quant aux classiques guides pédagogiques, ils sont rendus disponibles en différents formats (site Web, PDF, etc.), par le biais de différents modes de consultation, que ce soit sur ordinateur personnel, tablette ou tableau numérique interactif (TNI, ou encore tableau blanc interactif, TBI). Ils sont accompagnés occasionnellement de liens vers des vidéos pour la préparation au spectacle ou son prolongement en classe.

Les cahiers pédagogiques, ça fait longtemps que ça existe, donc nous, on a juste transformé sa forme. Au lieu de le faire papier, maintenant on le fait numérique. […] C’est un petit guide autour du spectacle. Maintenant, c’est sous forme de site Web, parce que dans les écoles, ça a bougé. Ils ont maintenant des tableaux interactifs, des TBI et le lien qu’ils ont avec le numérique est vraiment fort aussi. […] Le site web est pensé comme une application. C’est un site web qui se travaille avec les tableaux interactifs des écoles. (V13-T, 6)

Le souci de rejoindre le milieu scolaire se concrétise aussi par la production et la diffusion de vidéos. À titre d’exemple, un diffuseur de théâtre jeunesse a créé sa chaine YouTube.

Notre chaîne YouTube est vraiment pour les écoles. La chaîne YouTube rayonne partout au Québec, donc ça, c’est extraordinaire. Le rayonnement c’est… on le sait, c’est à ça que ça sert le numérique. Démocratiser, donner accès. Et nous, on n’est pas “chiches” là-dessus, on essaie de donner accès le plus possible. Et même on donne accès aux autres théâtres on leur dit “si vous voulez l’utiliser, utilisez-le !” (V9-T, 17)

Qui plus est, alors que ce diffuseur théâtral rejoint des écoles de partout par YouTube, ces vidéos produites s’avèrent utiles pour l’animation d’ateliers en classe dans la région métropolitaine.

Nous on prend 50 minutes, une période [pour préparer les élèves à assister à un spectacle]. On va dans les classes. On fait aussi des animations ici sur place [sur le lieu du spectacle], mais la plupart des activités ont lieu dans les écoles. (V9-T, l. 113–125)

Un diffuseur multi s’assure de transmettre aux écoles des guides pédagogiques produits par les organismes de création.

Au primaire, […] compte tenu qu’on est diffuseur, on n’est pas producteur non plus, ce qu’on fait c’est qu’on envoie des cahiers pédagogiques, qui sont créés par les compagnies de production. Donc les professeurs reçoivent un bon 2–3 semaines d’avance le cahier pédagogique qui a été conçu par la compagnie, pour pouvoir préparer leurs élèves. Le professeur peut aller chercher ses sources d’information soit sur notre site Web, ou encore le cahier pédagogique. La diffusion de cahier pédagogique peut se faire dans les écoles à travers le TBI, parce que souvent, c’est un document PDF, à travers lequel il y a des hyperliens qui peuvent aboutir sur une vidéo, ça, ça a un impact direct, c’est très fonctionnel On fait [aussi] des rencontres après la représentation. (V18-M, 5)

Le webdiffuseur procure une vitrine à des actions de médiation culturelle. S’y mêle une logique de diffusion et d’interaction, créant un paradoxe intéressant.

On fait “Une école accueille un artiste”, donc nous allons filmer cette médiation culturelle qui va se retrouver sur la plate-forme lafabriqueculturelle.tv. (V29-M, 1)

Cependant, la diffusion de ces médiations culturelles se réalise en tenant compte de différentes contraintes, notamment à l’égard des droits d’auteur. Cela représente un défi pour la pérennité des contenus développés.

C’est sûr qu’on est restreint par les contrats, parce que nous, on paye tous nos artistes, donc on a un cinq ans minimum, sinon il faut renouveler et payer. (V29-M, 7)

Ce faisant, le webdiffuseur signale les défis posés au traitement de diverses disciplines et des genres à l’intérieur de ces disciplines, évoquant ainsi le traitement différencié dont elles font l’objet.

Je pense qu’il y […] a [des disciplines artistiques] vraiment plus populaires que d’autres, c’est sûr. Les défis pour le théâtre et la danse sont vraiment plus grands que ceux pour la musique et les arts visuels. […] D’après moi, c’est dû au genre. Il y a différents genres de musique, et il y a aussi différents genres en théâtre, mais les gens les connaissent moins. Donc, ils ont tendance à tous les classer comme s’il n’y avait qu’une sauce en théâtre, mais ce n’est pas vrai. C’est la même chose pour la danse. Ce n’est pas juste du ballet, il va y avoir de la danse contemporaine qui va toucher, et le ballet jazz. C’est vraiment varié, mais les gens en connaissent peu. Donc, je pense que le défi, c’est l’éducation et la sensibilisation. Ça aide pour cela, la médiation culturelle. (V29-M, 3)

D’autres défis tiennent au médium même et au format de diffusion, soit la vidéo de courte durée (moins de cinq minutes), de l’avis du webdiffuseur interrogé.

Le web va obliger de synthétiser ses idées. Que le message soit clair et concis, plus que dans la médiation traditionnelle. Les gens vont moins partir que sur le web, si tu n’es pas rendu où tu avais dit que tu allais être, tu vas perdre des clients clairement plus facilement qu’en personne. Sur le web, il y a moins d’engagement. La différence, c’est de faire un message clair, concis et punché. (V29-M, 10)

La réalisation de capsules vidéo par des organismes, dont ce n’est pas la mission première, accapare un temps de travail important, mais il est jugé profitable pour rejoindre le public scolaire, dans la perspective de lui faire connaître l’offre et d’enrichir l’expérience théâtrale.

[Pour la production des capsules vidéo sur YouTube]. C’est vrai que c’est beaucoup de temps, peu importe, ce que tu fais en numérique, c’est beaucoup de temps, mais c’est le fun donc on le fait ! […] Ça a des impacts qui… le temps était bien investi. […] Ce n’est pas tant le fait que ce soit numérique que mettons, écrire des capsules de 5 minutes qui sont punchées, c’est l’écriture qui prend du temps, ce n’est pas le numérique… Choisir une équipe, gérer… on met toujours des enfants dans nos capsules, donc il faut trouver une école et une prof qui va sélectionner, ils nous envoient les auditions vidéo et après on fait de vraies auditions, donc, c’est des processus qui sont très longs. (V29-M, 17)

Selon les représentants des autres organismes interrogés, dont la mission première n’est pas la webdiffusion de vidéos, les opportunités de financement sont déterminantes pour la production de telles ressources.

Du numérique, il n’y en a pas assez parce qu’il n’y a pas assez de sous. Ça prend des sous. (V13-T, 9)

Les capsules vidéo, pour le moment, sont principalement sur le théâtre ou sur le rôle d’être un spectateur. Il n’y a pas grand-chose sur la danse encore. Ça dépend du financement. (V9-T, 23)

D’autres, au contraire, font valoir que la médiation culturelle numérique est moins coûteuse à mettre en place.

C’est plus facile cependant, de se concentrer sur la médiation numérique en ce moment, comme elle nécessite une logistique moindre que celle culturelle. (V13-T, 8)

Cependant, soucieux de favoriser une meilleure appropriation des spectacles, des organismes voient dans les potentialités du numérique des menaces à la fréquentation culturelle.

[…] il y a quelque chose qui se pointe qui est un danger pour le théâtre, c’est qu’on a des demandes de classes d’écoles qui sont éloignées qui ne peuvent pas venir voir le spectacle et qui nous demandent de voir l’intégrale vidéo. C’est parce que l’intégrale vidéo, c’est une captation, ce n’est pas le spectacle, ce n’est pas ça. L’expérience du spectacle, c’est sortir, aller dans un théâtre, dans un espace et le voir en direct. Le vidéo, on est dans un autre média. C’est vraiment un danger. Il faut faire attention. (V26-T, 18)

Dans cette perspective, un professionnel se montre préoccupé par la recherche d’un équilibre entre le numérique et le vivant:

[…] le jeune qui ne voit le cirque que par l’écran, je pense il y a des grands défis de ce côté-là. On sait que ce n’est pas la même chose de voir, filmer, montrer par l’écran, versus le vivre en live, en direct. […] Quand on est proche d’un artiste, quand on le voit sur scène, on sent la… la dynamique est très différente. Voilà moi je pense que c’est un des grands enjeux que l’on a pour sensibiliser les jeunes. Donc aller voir des spectacles, mais après ça acquérir des connaissances par le numérique, c’est un équilibre. (V2-C, 5–6)

Quoiqu’il faille préserver les expériences en présence de l’avis d’un participant, la diffusion numérique représente une opportunité à développer selon lui.

Il ne faut pas que le virtuel prenne toute la place, mais si c’est un outil pour faire comprendre aux gens comment c’est fantastique la culture et l’art, eh bien ! c’est génial ! (V13-C, 12)

On note aussi la combinaison d’une médiation mixte mobilisant des outils et contenus numériques lors de la tenue d’activités à l’école ou sur le lieu du spectacle. Ainsi, au chapitre des dispositifs numériques alliant application, équipement et contenus numériques, on recense le Sac à dos incorporant une application pour tablette destinée à soutenir la préparation des élèves au spectacle.

C’est un sac à dos dans lequel il y a un écran vidéo, on a un écran portatif et une application sur un iPad qui est diffusée par Apple TV, donc on peut se promener dans la classe avec l’iPad […]. Ça c’est pour les maternelles jusqu’à la 6eannée, on étire un peu et les bonnes médiatrices sont capables de le tweaker pour que ce soit fun pour elles aussi. Dans l’application il y a 4 activités, il y en a qui en prennent juste une, ils font ce qu’ils veulent avec. Il y en a une sur les métiers du théâtre, découvrir comment on crée un spectacle. L’autre, c’est sur l’affiche, on peut voir l’affiche en gros et des photos du spectacle, c’est comme un carrousel d’images. Il va bientôt y avoir des vidéos aussi. Ça ne marche pas encore, ils sont là-dessus. Mais le jeu de l’autobus, c’est un théâtre d’ombres, les enfants embarquent dans l’autobus et on voit l’autobus se déplacer. C’est vraiment cool. Et l’autre truc, c’est l’appareil photo dont je te parlais. Et ça, on l’utilise juste quand on prépare les groupes, on arrive avec notre sac à dos, on s’installe. Ça fait partie de nos mises en scène; il y a une rallonge de balayeuse dans le sac à dos, alors on demande aux enfants de nous aider avec ça. Ils nous aident à installer notre petit théâtre et ils sont fascinés. Et depuis qu’on a ça, on n’entend plus les enseignants dire qu’ils ont vraiment hâte, parce que ça attire l’attention des enfants, mais ça attire aussi beaucoup l’attention des adultes. À chaque fois qu’on sort notre kit le monde sont comme “waouh c’est donc bien hot”, mais c’est une “gogosse” de théâtre, c’est un rack en bois à l’intérieur d’un sac à dos et on ne l’a volontairement pas caché, tu vois tout le filage, mais ça fait des petits trucs magiques. (V9-T, 20)

À noter, cette application pour tablette ne représente pas d’intérêt en soi selon l’intervenant interrogé. Elle s’insère plutôt dans une médiation culturelle pratiquée en milieu scolaire ou dans le lieu même du spectacle.

Le Sac à dos, tu peux y aller, downloader l’application, mais tu ne saurais pas quoi faire avec. C’est vraiment des trucs qu’il faut animer, il faut qu’il y ait un humain qui peut répondre à ta question même si ta question n’a vraiment pas rapport avec ce que j’avais prévu, parce que… Les enfants sont pleins de surprises, et on veut être proches d’eux. Pour moi, c’est ça la différence: les enfants. Ils ne pourront jamais interagir avec leur youtubeur. (V9-T, 21)

À noter, cet outil permet de consigner des photos des jeunes qui seront utilisées lors de leur arrivée à la salle de spectacle.

[…] dans notre outil numérique, on a quelque chose qui fait qu’on prend des photos des enfants, ça les anonymise et quand ils arrivent ici les photos sont projetées sur un grand écran. Ils font le pont entre ceux qui l’ont vécu à l’école, parce qu’ils voient les photos des autres enfants eux-mêmes, et ils font la même activité. (V9-T, 5)

Incidemment, le choix des équipements pour les interventions en milieu scolaire dépend des capacités techniques qui s’y trouvent. Un diffuseur en théâtre jeunesse explique:

Quand on a développé notre outil numérique [le Sac à dos], on a fait un sondage auprès des commissions scolaires pour demander si les écrans fonctionnaient et si le wifi, on pouvait s’y fier. Parce qu’on se dit qu’on va en profiter s’il y en a, mais ils nous ont dit “non non, apportez votre propre projecteur, n’utilisez pas le wifi” et une chance qu’on a fait ça parce qu’on ne pourrait pas utiliser notre dispositif. (V9-T, 15–16)

Pour la démocratie culturelle, le tandem création-médiation avec le numérique en appui

Dans la perspective de la démocratie culturelle, on constate une variété d’actions de MC, posées par des organismes de création. La MC consiste alors en une stratégie de faire participer le public scolaire à la création d’une œuvre, grâce aux programmes La culture à l’école ou Une école montréalaise pour tous. Rappelons que ces programmes favorisent l’établissement d’une relation entre créateurs et publics scolaires qui ne s’articule plus uniquement sur l’assistance au spectacle, mais s’étire dans le temps grâce à diverses actions combinant création et médiation. Une compagnie de création multidisciplinaire expose ainsi comment elle recourt à la MC pour alimenter son processus de création qu’elle développe en tout ou en partie en milieu scolaire.

Alors, la médiation culturelle, pour nous, s’inscrit comme une partie intégrante de la création, parce qu’on va rencontrer des gens qui vont inspirer notre démarche de création. Également dans notre recherche aussi, de réflexion autour d’un thème, ce qui, normalement, ne se fait pas, en création. Normalement, l’artiste est plutôt nombriliste. Il est assis tout seul ou avec son équipe d’artistes et il crée son affaire, mais il n’a pas de réflexion avec d’autres personnes, d’autres milieux, sauf ceux qui sont dans l’équipe de création. Tandis que nous, on a une équipe de création et on se permet d’ouvrir et d’aller voir des personnes qui normalement ne ferait pas de la création artistique. Des gens du public et de toutes sortes de communautés. Et, à partir des rencontres qu’on fait avec eux, des discussions, des échanges sur le thème qu’on est en train d’exploiter, eux, ils nous fournissent de la matière artistique, sans s’en rendre compte. Ils nous indiquent aussi différents chemins à emprunter. Ceux qui viennent voir le produit final après, ils se reconnaissent là-dedans par rapport aux thèmes et sujets qui sont abordés. C’est là pour moi où la médiation culturelle est présente, de cette façon-là. C’était déjà une route qu’on avait commencé à emprunter, au début, qui était beaucoup plus restrictive, plus petite, mais qui s’est élargie vers toutes sortes de communautés. (V16-M, 3–4)

Dans ce contexte, le numérique procure des potentialités, dont cette compagnie se saisit pour entrer en relation avec le public.

Le numérique peut nous permettre d’aller plus loin que de rester juste dans des petits quartiers. Donc, est-ce que c’est de la médiation numérique qu’on fait? Je ne le sais pas, moi je pense que oui, mais on inclut le public dans la médiation numérique, dans le travail numérique, dans l’approche du développement visuel qu’on fait d’un show, en ciblant des communautés. (V16-M, 10)

Ce faisant, les médias sociaux sont utilisés pour nourrir le processus créateur.

Facebook est utilisé, définitivement, parce que via les réseaux sociaux, on fait même appel par exemple à des gens, on fait même intervenir les gens aussi dans des questions qu’on se pose. (V16-M, 11)

Certaines des interventions décrites par des participants à l’enquête se rattachent particulièrement à la résidence d’artiste à l’école, rendue possible par le programme Une école accueille un artiste. Ce programme de subvention donne l’occasion aux élèves “de participer à un travail d’expérimentation artistique de longue durée [de quatre à douze semaines]” (MESS 2021c) à des artistes ou à des écrivains professionnels de vivre une expérience de résidence en milieu scolaire et “de s’en inspirer pour créer une œuvre personnelle” (id.). Les outils numériques permettent de colliger des traces des activités des élèves dans le but d’alimenter le processus créateur ou de témoigner d’une intervention réalisée.

Je te dirais qu’à peu près chaque projet est lié à un petit documentaire vidéo. Je ne sais pas si ça vient rejoindre le point numérique, mais chaque projet ou beaucoup de projets sont filmés pour laisser une trace tant pour les jeunes que pour les projets qu’on faits. Donc là, on a créé une œuvre à partir de la transition que les jeunes vivent entre l’école primaire et secondaire. On a impliqué un artiste scénographe reconnu, quelqu’un en théâtre reconnu aussi, plus moi et un autre danseur et là, littéralement, on est allé faire une résidence de création en milieu scolaire. Alors: préparation spectacle, création avec les jeunes et résidence en milieu scolaire littéralement. (V23-D, l. 244–268)

Dans des situations de ce type, la médiation culturelle numérique serait alors associée à la résultante d’une intervention en classe.

[On pourrait voir alors la médiation culturelle numérique comme] une activité qui aurait comme résultante d’avoir des vidéos, qu’on met sur le web, ou de participer à un site Web ou à quelque chose qui se diffuse, avec des outils numériques. (V27-T, 16)

Ce faisant, quelles sont les modalités numériques empruntées? Une compagnie de création théâtrale intervenant dans des milieux de garde mobilise le son pour créer des parcours lumineux accompagnés de montages sonores, dans un projet destiné à des élèves des milieux défavorisés.

Nous, on arrive avec des vraies boîtes de sons, professionnelles, et on les met tout autour d’eux et le son voyage. Juste la qualité sonore, ils sentent qu’il y a quelque chose qui se passe. Ça leur apporte une expérience sonore nouvelle, je dirais. (V27-T, 19)

Une autre compagnie de création, multidisciplinaire celle-là, mobilise le son et la vidéo dans des projets de médiation culturelle qui incorporent le numérique, en développant une relation soutenue avec des membres du public scolaire.

Étant donné qu’on travaille avec différentes formes d’art et que le numérique en fait partie, on utilise beaucoup la vidéo dans nos œuvres. L’évolution de cet outil-là s’est transformé en devenant, par exemple, la vidéo interactive et réactive, et que tout à coup, on se met à l’utiliser pour faire des actions culturelles en invitant les enfants, sur la scène, à explorer ce que cet outil-là permet. (V16-M, 2)

Fait inusité, cette compagnie mobilise la vidéo pour déjouer la résistance à bouger de certains enfants.

Impliquer les garçons qui sont plus réfractaires à la danse: la vidéo interactive et réactive. Cet outil-là [le] permet… Sans qu’ils s’en rendent compte, on fait danser les enfants et on capte l’attention, même des garçons, qui souvent sont les plus réfractaires par rapport à la danse. Et bien là, tout à coup, ils dansent, et ils ne savent pas qu’ils font de la danse. Je trouve ça intéressant. (V16-M, 2)

Au fil des entretiens, ce rapport que l’on constate entre création et médiation demeure cependant flou, et la frontière qui les sépare paraît mince. Il appert que des organismes créateurs utilisent la communauté scolaire pour y puiser des matériaux qui alimentent un processus de création. Tout en encourageant le développement des capacités expressives des jeunes, ils collectent des traces qui seront investies par la création. Dans cette perspective, on peut comprendre que des participants accordent une grande importance à la relation qui peut s’établir entre l’artiste et des membres de la communauté participante au projet de création.

Quand on fait un travail comme ça, en médiation culturelle, il faut être respectueux et empathique [du public], ce qui ne peut pas être le cas de tous les artistes. Il faut le considérer aussi important que n’importe quel artiste sur l’équipe et que son apport va être aussi important que tout le monde au sein de l’équipe artistique, qui [a] de l’expérience. (V16-M, 6)

Ce type d’intervention fournit néanmoins l’occasion d’initier des jeunes à l’utilisation d’outils numériques de captation et de montage. Un exemple provient d’un action menée grâce au programme Une école montréalaise pour tous, lequel procure des expériences culturelles variées à des élèves d’écoles défavorisées.

Dans un projet déambulatoire Parcours lumineux accompagné d’un montage sonore, […] on fait du mouvement un petit peu. Dans un deuxième temps, c’est l’enregistrement. Ils vivent une expérience vraiment d’enregistrement numérique, sonore. (V27-T, 5)

Pour un organisme de création théâtrale, la médiation culturelle passe par l’enregistrement sonore. Ce type de médiation s’avère plus fréquent.

[L]a médiation culturelle numérique avec l’utilisation du son est plus courante que la simple médiation culturelle. (V27-T, 17)

Ce faisant, divers défis se rencontrent en milieu scolaire liés notamment à l’éthique. Ils apparaissent alors plus grands pour l’image que pour le son.

[Pour la médiation numérique et l’utilisation de traces des activités] on va prendre des directions des fois en sachant qu’on évite de demander la permission aux parents, parce que ça, c’est compliqué. Je dirais que c’est ce qui est le plus compliqué dans la médiation. Avoir les permissions des parents pour utiliser l’image. Le son, on ne sait pas c’est qui, parce que ce n’est pas une voix claire de quelqu’un qui est en train de parler, c’est du son. (V16-M, 12)

Un autre défi réside dans le possible décalage entre les activités d’enregistrement et le montage audio, lorsque les élèves sont conviés à des expériences numériques qui alimentent la création de l’œuvre, comme l’expose un participant d’un organisme en théâtre.

C’est sûr que c’est difficile de les intégrer [les enfants] à des activités numériques. Il y aurait peut-être [lieu] d’en faire, mais leur participation peut-être, elle est moins palpable. Si c’est “parle-moi dans un micro”, moi, il faut que j’aille faire du montage chez nous après. L’action, elle est moins directe, elle est moins rapide aussi, où ils sentent qu’ils ont un impact, là, maintenant dans cette bulle du présent qu’on essaie de faire. Donc, il y a le décalé du numérique dans leur action et le résultat, qui peut peut-être être un désavantage, ou un avantage. C’est sûr que le désavantage, c’est aussi qu’on peut juste envoyer le fichier audio à la garderie par courriel après et on perd la présence ou cette rencontre-là qu’on avait au tout début. (V27-T, 19)

L’exposition de jeunes enfants aux expériences numériques représente aussi un sujet de préoccupation. Une certaine réserve à l’égard des outils et ressources numériques se manifeste chez une participante animant des projets de création théâtrale dans le secteur de l’éducation à la petite enfance. Elle rappelle que leur usage fait l’objet de mises en garde pour le développement des jeunes enfants. D’ailleurs, qu’on tende à proscrire ou du moins à limiter le temps d’exposition aux écrans des jeunes enfants fait en sorte que le numérique lui plaît moins…

Il y a aussi le fait qu’on proscrit les écrans aux jeunes enfants […] Je suis une nouvelle maman, et on n’arrête pas de nous mettre en garde, ils nous disent que jusqu’à 2 ans, c’est zéro écran. […] Ces enfants-là, on sait, je pense que la moyenne canadienne, c’est effarant le temps passé devant les écrans ou l’utilisation des technologies en jeune âge. (V27-T, 19)

En somme, il appert que des actions menées en milieu scolaire, que l’on peut classer sous la grande catégorie de la démocratie culturelle, impliquent une variété d’expériences numériques proposées par les organismes de création, dans la réalisation de leur propre projet de résidence associant création et médiation culturelle.

Quels effets d’une action de médiation culturelle au moyen du numérique?

Les organismes consultés disposent de peu de données quant aux effets auprès des publics visés des actions de médiation culturelle recourant au numérique. À titre d’exemple, il est difficile d’estimer la taille du public scolaire rejoint en ligne, même s’il est potentiellement plus vaste et éloigné du lieu physique que le public rejoint par des activités en présence.

C’est dur de savoir l’effet réel que ça a eu. En plus, ça peut tellement être subtil, la médiation culturelle. Ça ouvre des portes intérieures, au niveau de la tête. Tu ne te rends pas nécessairement compte de l’impact que ça a eu. Donc, parfois la réponse de retour ne viendra jamais, ou viendra des années plus tard. C’est difficile à mesurer. (V-29-M, 13)

Au hasard des déplacements et de l’accueil des publics, le diffuseur de théâtre jeunesse (9) a obtenu quelques témoignages de l’impact de sa chaine YouTube sur le public scolaire.

Le comédien qui est dans notre chaîne YouTube est allé faire un spectacle qui n’a aucun rapport avec [le diffuseur] à Baie-Comeau. Moi j’avais fait un peu une joke quand on a parti la chaîne YouTube, j’avais dit “c’est quelqu’un de Baie-Comeau; si on en parle, je vais être vraiment contente”. C’était vraiment une joke, parce que ma tante habite là-bas et que je sais que c’est un peu un gouffre au niveau culturel et que c’est difficile de se développer là-bas. Donc, lui est allé faire un show là-bas. Et là, une prof s’est jetée sur lui “c’est toi Benjamin !”. Il ne comprenait pas. “Oui, le Benjamin de la chaîne YouTube [du diffuseur] !”. Quand il m’a raconté ça, je suis tombée à terre. Je me suis dit qu’on avait réussi notre mission, en plus à Baie-Comeau ! Et d’avoir le comédien là, on est dans une forme de médiation. Ça a des impacts qui… le temps était bien investi. (V9-T, 2)

La première fois qu’on a diffusé les capsules vidéo, il y en a qui sont arrivés ici, parce que le personnage habite [chez le diffuseur], il y a des enfants qui nous ont demandé “Est-ce que Benjamin est là?”. Donc on a répondu “non il est parti faire son épicerie”, on garde le mystère que Benjamin habite ici. (V9-T, 21)

Des sondages d’appréciation envoyés par ce diffuseur de théâtre jeunesse (V9) aux enseignants se rapportent à l’expérience globale associée à la fréquentation du spectacle, mais n’abordent pas la consultation ou l’utilisation des contenus numériques produits par l’organisme et diffusés sur sa chaine YouTube.

On ne le sait pas. On ne peut pas savoir qui sont ces gens-là. On aurait pu demander dans un courriel après-spectacle s’il y en avait qui l’avaient écouté, mais… On ne l’a pas fait. On ne l’a pas mesuré. (V9-T, 23)

Par ailleurs, les organismes recourent-ils aux outils statistiques fournis par les médias sociaux? Prennent-ils en compte les likes? Un diffuseur en cirque exprime une difficulté à interpréter le nombre de visites sur son site:

Par ailleurs, la proportion avec le numérique, c’est difficile, parce que jusqu’à quel point l’impact des visites du site web, dans un but de mieux comprendre le cirque en général, est très difficile à chiffrer. (V2-C, 9)

Quant au public rejoint par les dispositifs numériques déployés en classe, le diffuseur théâtral (V29) ne semble pas avoir sous la main de données particulières. Au final, tel que l’indiquait également l’étude quantitative (Lapointe et al., 2020), il appert que les organismes ne réalisent pas d’évaluation des actions entreprises, ni ne consignent de retours d’usages, si ce n’est sur la base d’occasionnels échanges avec des enseignants utilisateurs de leurs ressources. La réussite ou le succès se constate, selon les représentants consultés, au nombre de vues sur un site Web, ou à la faveur d’une possible revue de presse ou de prix obtenus. À titre d’exemple, un participant à l’emploi d’un diffuseur en arts multidisciplinaires (V18) mentionne l’initiative d’un théâtre connu de concert avec la BAnQ, auteurs d’une trousse de médiation sur le processus de création au théâtre, gagnante d’un prix en muséologie (BAnQ, s.d.).

Le professeur, ou quiconque, peut [la] télécharger. C’est une activité qui s’adresse à des groupes scolaires, un groupe à la fois. Nous on prend un extrait de texte et le groupe est séparé en 6 sous-groupes et chaque groupe est en charge d’un aspect de la création, que ce soit la mise en scène, que ce soit le décor, les costumes, les maquillages. Et on leur donne des notions, évidemment, c’est très de surface, on n’approfondit pas tant, mais l’espace, je pense que c’était un atelier de deux heures, si ma mémoire est bonne, donc les gens expérimentent les différents métiers, sont sensibilisés aux différents métiers qui existent, parce que dans une représentation théâtrale, on voit ce qu’on voit, mais on ne voit pas tout ce qui a été fait en amont. Et dans quel ordre. Donc, ça c’est très très très apprécié par les enseignants (V18-M, 16).

7. Discussion

La perspective dans laquelle œuvrent les organismes consultés, celle de la démocratisation culturelle ou de la démocratie culturelle, conditionne leurs actions de MC et entraine une grande variété dans le recours au numérique. Certes, lorsqu’il s’agit de rejoindre des écoles à distance, le numérique, par divers sites Web et médias sociaux, conduit à élargir les audiences dont jouissent les diffuseurs. Notons cependant que nous avons relevé le cas d’un organisme de diffusion qui se rend dans des écoles et y déploie un dispositif ne recourant pas aux réseaux informatiques. Lorsque mobilisé par des organismes de création dans des écoles à la faveur de différents programmes incitatifs du ministère de l’Éducation du type “atelier”, le numérique procure des outils et des ressources pour des actions de médiation encourageant le développement des pratiques expressives des jeunes et nourrissant du même coup le processus créateur. En conséquence, nous pouvons affirmer que le numérique contribue à l’extension des territoires de la médiation culturelle en milieu scolaire.

La description des pratiques se rattachant à la démocratie culturelle force cependant à s’interroger sur le sens qu’y accordent les responsables de ces actions: tentent-ils de favoriser l’expression artistique ou de faire participer des publics à la création d’œuvres? Si tel est le cas, ces œuvres auront-elles une diffusion en dehors du cadre scolaire?

Semble-t-il se dessiner des actions et dispositifs distincts selon les domaines disciplinaires? Encore une fois, la distinction semble s’opérer plutôt selon les actions qui relèvent de la démocratisation culturelle ou de la démocratie culturelle. Les publics scolaires sont souvent rejoints à la faveur d’initiatives encouragées par le programme La culture à l’école, qui facilite la fréquentation culturelle et propose aussi l’accueil prolongé d’artistes et d’écrivains en classe, par son volet “Une école accueille un artiste”, où le professionnel accompagne les élèves dans une démarche de création (MEES 2021c). Il serait pertinent de mieux connaître le contexte de participation de classes aux expériences proposées pour comprendre comment les actions et dispositifs se distinguent.

Jusqu’à quel point le concept de médiation culturelle numérique est-il opérationnel pour décrire ce que mettent en place des organismes culturels à destination de divers publics, notamment scolaires, dans la perspective de la démocratisation culturelle? Devrait-on considérer de telles initiatives comme de la médiation culturelle qui utilise les potentialités du numérique? Comme l’observent dans le domaine de la muséologie, Navarro et Renaud (2019), Fraysse (2019), et Larouche, Bélanger, et Bélanger-Martel (2020), un glissement peut s’opérer d’une conception davantage relationnelle de la médiation à une conception plus techniciste, centrée sur une panoplie d’équipements de communication, qui reléguerait au second plan la situation d’échange concernée (Fraysse 2019). La plupart des intervenants rencontrés font écho à cet écueil, rappelant l’importance de la relation avec les publics. Nous avons pu constater des médiations associant la présence dans les lieux scolaires à l’usage d’équipements ou de ressources numériques, conférant à la MC numérique un caractère mixte.

Après avoir dessiné les contours de ce qui s’offre aux classes du primaire et du secondaire, il serait pertinent de poursuivre la recherche sous différents angles. La question suivante pourrait être relancée aux producteurs et diffuseurs: jusqu’à quel point envisagent-ils de rejoindre des publics à distance par le numérique? On pourrait aussi se demander si des organismes de création et de production pourraient se passer des diffuseurs pour rejoindre le public scolaire par le Web. Ces questions acquièrent une nouvelle actualité à la lumière des défis posés par la pandémie mondiale et la fermeture temporaire des lieux culturels au Québec, alors que des organismes culturels tentent de favoriser la fréquentation des spectacles à distance. Dans ce cas, pourrait-on envisager de nouvelles formes de médiation à distance, associant la coprésence de membres du public et d’un médiateur lors de l’assistance au spectacle (à distance)? Comme le rappelle ARTENSO, qu’avec la pandémie, “beaucoup de médiateurs et de médiatrices ont intégré́ le numérique et l’espace virtuel pour recréer les maillons disparus de la chaîne de transmission culturelle” (ARTENSO 2020, 1). Qui plus est, jusqu’à quel point la médiation culturelle pourrait-elle se déployer dans un “environnement immersif médiatisé” pour reprendre les termes de Choinière (Choinière 2019, 26).

Par ailleurs, le concept de “médiation [culturelle] pédagogique par le numérique” pourrait-il mieux correspondre à ce que font les organismes associés aux arts de la scène, lorsqu’ils tentent de favoriser une meilleure appréciation des œuvres ou des processus artistiques par les publics scolaires, en particulier par les enseignants et conseillers pédagogiques responsables de la mise en œuvre du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ)? Encore faudrait-il, si on utilise ce concept, le définir en lien avec les pratiques du milieu culturel, alors qu’il a déjà été développé au sein de travaux sur l’apprentissage, dans une perspective socioconstructiviste (voir notamment Barth 2013). De plus, en dirigeant le regard précisément sur l’arrimage avec le milieu scolaire, on pourrait se demander, entre autres, si les cahiers pédagogiques et les contenus numériques et les vidéos produites par les organismes culturels renvoient à des éléments du Programme de formation de l’école québécoise (MEES 2021b)? Si oui, quelles sont les disciplines scolaires ciblées et les éléments des programmes visés? Une analyse de contenu pourrait être conduite pour étudier la relation susceptible de s’établir entre les œuvres diffusées et le PFEQ pour les différents ordres et cycles d’enseignement.

Par ailleurs, considérant le caractère éphémère de l’offre artistique des différents organismes, du fait de la durée des spectacles à l’affiche, continuellement renouvelés en temps normal, comment peut-on penser l’accompagnement pédagogique des intervenants scolaires par la médiation numérique? Se pourrait-il que les contenus numériques axés sur un processus ou un langage artistique particulier représentent une façon de pérenniser les actions de médiation entreprises, comme le fait l’organisme V9-T par des vidéos sur le langage théâtral? Une analyse de contenu des dispositifs et contenus numériques pourrait l’indiquer.

Il serait aussi pertinent d’enquêter auprès d’enseignants concernant leurs usages des ressources numériques développées par le milieu culturel, en particulier celui des arts de la scène. Mentionnons que la récente Politique sur la réussite éducative (MEES 2017) invite les enseignants à tirer profit du “gisement de ressources en plein essor” (60), et le nouveau Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur du Québec (MEES 2018) est assorti d’une compétence numérique à développer par l’ensemble de la communauté éducative. Comme les contenus numériques disponibles en ligne, telle la chaîne YouTube du diffuseur théâtral (V9-T), constituent en quelque sorte une offre culturelle et éducative gratuite à la recherche de son public scolaire, on pourrait se demander jusqu’à quel point les enseignants du primaire et du secondaire connaissent et se saisissent de cette offre culturelle numérique émanant des arts de la scène. S’ils s’en saisissent, quelle est leur identité professionnelle, des généralistes ou des spécialistes, de quel domaine disciplinaire, le cas échéant? S’en servent-ils pour enrichir les activités d’apprentissage, préparer les élèves à la fréquentation de spectacles ou favoriser l’appropriation de créations artistiques? Quelles sont leurs pratiques à cet égard? Signalons néanmoins que “des difficultés et des obstacles d’ordre technique ou administratif freinent encore une trop grande partie du personnel enseignant dans l’utilisation des outils numériques”, comme l’indique le Conseil supérieur de l’éducation (Conseil supérieur de l’éducation 2020, 63).

Par cette première exploration de la médiation culturelle numérique mise en place par des organismes actifs dans les arts de la scène, notre recherche aura permis de discuter du caractère opérationnel de ce concept, d’esquisser les contours de cette offre culturelle singulière et de soulever quelques questions en vue d’approfondir notre connaissance de ces réalités.

Remerciements

Les rédacteurs en chef invités remercient le Conseil de recherches en sciences humaines pour l’aide financière accordée.

Déclaration des intérêts

Les autrices déclarent l’absence de conflit d’intérêts.

Contributions éditoriales

Rédacteurs en chef invités

Marie-Claude Larouche, professeure titulaire, Département des sciences de l’éducation, co-directrice depuis 2018 du Laboratoire de recherche sur les publics de la culture (lrpc.ca), Université du Québec à Trois-Rivières, Canada

Hervé Guay, professeure titulaire et directeur, Département de lettres et communication sociale, co-directeur de 2015 à 2021 du Laboratoire de recherche sur les publics de la culture (lrpc.ca), Université du Québec à Trois-Rivières, Canada

Éditrice de section

Justine Dubrule, The Journal Incubator, Université de Lethbridge, Canada

Rédactrice du texte

Émilie Rouillard-Beauchesne, The Journal Incubator, Université de Montréal, Canada

Redactrice de la bibliographie

Christa Avram, The Journal Incubator, Université de Lethbridge, Canada

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